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Récit d’une journée de grève au soleil à Rennes vécue par un passant

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IEP de Rennes bloquéCe matin, je reçois un courriel : une amie me propose d’aller manger avec une autre amie au restaurant universitaire de la fac de Droit. Ça tombe bien, il avait été une nouvelle fois décidé hier en assemblée générale que notre école, l’IEP de Rennes, serait bloquée. Les professeurs en grève ce jour-là n’assurent pas leurs cours. Qu’à cela ne tienne, il fait beau, c’est l’occasion de prendre l’air et de sortir la tête de ses bouquins et son ordi ! Avant de partir, je télécharge les podcasts du jour. Ceux de France Inter, d’habitude rarement en retard, ne se mettent pas à jour. Et pour cause : la programmation régulière est suspendue en raison de la grève.

Je m’y rends à pied : les transports en commun sont fortement perturbés de 10h à 15h30 environ. J’arrive devant le restaurant universitaire de la Fac de Droit : celui-ci est fermé en raison de la grève. Si l’on veut manger, il faudra trouver autre chose. Les boulangeries et les petites supérettes sont prises d’assaut.

Place Sainte Anne. Quand elle n’est pas squattée par des marginaux alcoolisés et entourés de leurs chiens, quand le ciel d’étain s’ouvre, il est fort agréable de se poser pour manger une crêpe ou prendre un verre. Les terrasses en soleil sont toutes occupées, celles à l’ombre sont délaissées. A la sortie de cet hiver gris et froid, voilà que les corps commencent à se dénuder, la peau recherche les rayons du soleil.

Faute de place, nous choisissons finalement un petit bistrot sur la place des Lices. A côté de nous passent régulièrement des petits groupes qui portent fanion, badges et autocollants. Sans doute qu’en cette journée de grève, où l’activité économique marche au ralenti, les gens profitent de cette journée plus calme pour manger à l’extérieur. Le temps clément aidant, ce sont finalement les restaurateurs qui en profitent. Une amie me répète ce qu’elle a entendu : à Paris, des salons de beauté ont même prévu de faire des tarifs spéciaux pour cette journée de grève !

Je décide ensuite de passer aux Champs Libres. Je prends le métro. Avantage : il est automatique, le trafic est donc normal. Lorsque je sors à l’arrêt Charles de Gaulle, je vois devant le nouveau Gaumont un rassemblement assez important de militants : les banderoles sont déployées, slogans revendicatifs ou couleurs syndicales. Des poteaux portent des cartons où l’on incite à prolonger le mouvement au-delà de la grève.

Les Champs Libres sont fermés. A l’intérieur, les hôtesses d’accueil attendent sagement à leur poste. J’appelle. On me répond que le bâtiment est fermé : c’est une précaution pour éviter des débordements. Ils réouvriront normalement une fois le mouvement dispersé. Ils auraient pu mettre une affiche…

Un groupe défile derrière une grande banderole des travailleurs syndicaux. Un jeune homme chante – faux – une chanson où il dénonce notamment « les bourgeois ». A croire qu’il ne ferait pas bon réussir sa vie (et pas besoin d’avoir une Rolex pour ça). Une fillette, à qui je ne donne pas 5 ans, porte une lourde pancarte anti-sarkozyste. Elle a un autocollant promouvant un parti écologiste sur le bras droit. Elle suit le pas vif de ses parents et la poussette de leur enfant sur lequel des autocollants syndicaux ont été posés. A peine un an, et déjà une voiture tunée. Je me méfie de ces parents qui utilisent leurs enfants dans des contestations, mais quand on a personne pour les garder…

Plus loin, FO se tient serrée et cantonne l’Internationale avec conviction : « du passé, faisons table rase… ». Cela ne me surprend plus, même si aujourd’hui, j’ai, comme beaucoup, le sentiment que le dysfonctionnement est réel, et qu’il appelle à des changements profonds, mais pas forcément à une « révolution ».

La révolte, elle, est pourtant bien là. Sur le Boulevard de la Liberté, les manifestants sont nombreux, la circulation est bloquée. Les voitures n’essaient même pas de passer, je les comprends. Lorsqu’il y a une semaine, un petit groupe d’une centaine de lycéens bloquaient les quais et que j’ai voulu passer, l’un d’entre eux s’est positionné devant ma voiture et, voyant que je n’avais pas l’intention de rebrousser chemin (il est suffisamment compliqué de circuler dans Rennes comme cela), il avait tenté de briser mon rétroviseur.

Là, c’est le Crédit Agricole qui a été pris pour cible : une vitre est partie en éclat, de la peinture a été jetée sur le fronton. « Des casseurs » me répond le directeur deHSBC après manif.jpg la banque qui vient constater les dégâts. Je reprends l’écoute de mes podcasts. « Dois-je vous rappeler que cette année, le Crédit Agricole a distribué plus de 95 % de ces bénéfices à ses actionnaires ! Cela représente 1 milliard d’euros !« . Ceux qui ont fait ça le savaient-ils, exprimant ainsi leur colère, ou se sont-ils attaqués au symbole de la banque ? L’une ou l’autre raison ne justifie pas l’acte. Plus loin, c’est HSBC qui a, à son tour, été victime de dégradations.

Sans doute, la colère est légitime. Ce n’est pas seulement une manifestation contre la crise, mais aussi contre un système où l’on craint pour son avenir. Depuis que nous sommes petits, on nous dit qu’il nous faut faire de bonnes études pour pouvoir jouir d’un emploi stable et d’une bonne situation. Aujourd’hui, certains diplômés ne trouvent même pas d’emplois. Nos parents doivent surveiller leurs comptes, ils ont fait des efforts et doivent encore subir les conséquences de la mauvaise gestion de dirigeants qui ont déstabilisé durablement l’économie, mais continuent de recevoir des primes. Ce constat doit sans doute être nuancé, mais ne retire rien sur le fond : le malaise est palpable. Heureusement, il paraît que se retrouver entre amis ou avec son/sa conjoint(e) est un moyen de s’échapper de la crise. Les médias ne peuvent occulter l’actualité, mais un peu de soleil et de bonnes nouvelles serait bienvenus !


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